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Surdosage associant paracétamol et ibuprofène : comment interpréter la valeur de la paracétamolémie ? - 12/05/16

Doi : 10.1016/j.toxac.2016.03.038 
P. Nisse 1, , S. Deheul 1, 2, A. Garat 3, J. Tison 1, M. Mathieu-Nolf 1
1 CAP-TV, Lille, France 
2 CEIP, Lille, France 
3 Laboratoire de toxicologie, CHRU, Lille, France 

Auteur correspondant.

Résumé

Introduction

Parmi les antalgiques utilisés de par le monde, le paracétamol est certainement l’un des plus utilisés. Lors de surdosages les risques sont bien connus et bien documentés. La prise en charge repose pour partie sur le dosage de la paracétamolémie et son interprétation par rapport au nomogramme de Rumack et Matthew. Mais la prise concomitante d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) tel que l’ibuprofène, semble modifier la cinétique du paracétamol et faussement nous rassurer sur les dosages de la paracétamolémie à la 4e heure post-ingestion. Nous présentons 3 cas cliniques pour illustrer cette particularité.

Description

Cas clinique 1 : jeune fille âgée de 15ans, ingère 12g de paracétamol (143mg/kg) et 14g d’ibuprofene (166mg/kg). La paracétamolémie à h+4 est à 134mg/L (toxicité au-delà de 150mg/L). Compte tenu de la prise importante d’AINS, un contrôle de la paracétamolémie effectué à H+8 produit un résultat de 95mg/L. Cette concentration est en zone de toxicité hépatique (toxicité au-delà de 78mg/L), et par ailleurs la demi-vie est supérieure à 4h. Un traitement par N-acétylcystéine par voie intraveineuse est entrepris. Le contrôle de la paracétamolémie à h+20 est négatif ; il n’est pas retrouvé d’anomalie biologique du bilan hépato-rénal à h+4 et h+20. Cas clinique 2 : jeune fille âgée de 15ans, ingère 2g de paracétamol (39mg/kg) et 2g d’ibuproféne à 17h. Elle consulte à 19h30 pour des douleurs épigastriques. Plusieurs dosages de la paracétamolémie sont effectués à H+3 (24mg/L), à H+5 (28mg/L), à H+9,5 (37mg/L) et à h+11,5 (16mg/L). Cas clinique 3 : homme de 41ans, ingère 4,8g d’ibuprofène et 10g de paracétamol avec 15mg d’alprazolam et 12g de méphénésine. Lors de sa prise en charge, il présente des troubles de conscience et une dyspnée. Il est intubé après une induction séquence rapide (étomidate, suxaméthonium), suivie par une sédation par midazolam et sufentanyl. Une acidose lactique est constatée dès son arrivée avec un pH à 7,10 et des lactates à 8,79mmol/L. La paracétamolémie à h+4 est mesurée à 49mg/L, le contrôle à h+8 à 91mg/L (toxicité au-delà de 78mg/L), le suivant à h+15 est à 39mg/L et le dernier à h+24 est à 3mg/L.

Discussion

La prise en charge des surdosages au paracétamol est bien protocolisée et s’appuie sur les dosages de la paracétamolémie et son interprétation d’après le nomogramme de Rumack et Matthew, mais aussi sur la toxicocinétique du paracétamol (une demi-vie d’élimination supérieure à 4h est synonyme de risque hépatique) et la mesure des transaminases. La prise concomitante d’un AINS semble modifier la vidange gastrique, retarder la survenue du pic plasmatique du paracétamol et être responsable d’une interprétation faussement rassurante de la paracétamolémie à h+4. Dans nos 3 cas, le pic sérique est décalé dans le temps au-delà de la 8e heure post-ingestion (avec un résultat à h+8 en zone de risque hépatique dans le 1er et le 3e cas), et chaque fois avec une demi-vie au-delà de 4heures. L’interprétation de la seule paracétamolémie à h+4 était ici faussement rassurante et aurait pu, en l’absence d’un contrôle vers la 8e heure, nous inciter à ne pas entreprendre ou à poursuivre le traitement par la N-acétylcystéine.

Conclusion

L’interprétation de la paracétamolémie à h+4 doit être prudente lors d’intoxications associant du paracétamol à d’autres médicaments pouvant influer sur la cinétique d’absorption du paracétamol. Ces constatations restent à être confirmées par une étude prospective à mettre en place.

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